Hier soir, j’ai profité du tarif réduit du Printemps du Cinéma pour aller voir le dernier Tim Burton : Big Eyes.
Le film raconte l’histoire vraie de Margaret Keane, une peintre américaine dont le mari, Walter Keane, revendiquait la paternité des toiles pour acquérir la gloire et la fortune. Cette imposture a longtemps fonctionné, jusqu’à ce que Margaret laisse la vérité éclater, entraînant un procès très médiatique.
Que dire de ce film ?
Il a été qualifié de « meilleur Burton depuis longtemps ». Je suis sceptique. Certes, ses derniers films étaient loin d’être bons, mais pour Big Eyes c’est un peu particulier : il ne correspond pas aux codes burtoniens. Pas d’ambiance sombre et morbide, rien de creepy ni de marginal, bien au contraire : Big Eyes est très coloré et très lisse. J’ai eu du mal à reconnaître Burton derrière ce film, il est donc difficile de le comparer à ses films précédents.
Pour autant, peux-t-on vraiment blâmer Burton pour d’avoir voulu essayer un autre style ? Le film est bon, l’histoire aussi, et plutôt bien traitée. On découvre la vie d’une femme qui a tenté, en vain, de s’imposer en tant qu’artiste, chose difficile dans les années 50 où les femmes étaient encore loin d’être indépendantes. Il y a un certain cynisme, une certaine ironie de la part de Burton, qui dépeint avec justesse la formidable injustice du monde de l’art et de la célébrité, ainsi que les engrenages du mensonge : les toiles de Margaret n’auraient probablement jamais été appréciées et vendues sans le charisme de son mari.
Au final, ce qu’il y a de plus burtonien dans ce film, ce sont les toiles. On sait tous que les gros yeux sont chers à Burton, et presque une constante dans son oeuvre: Vincent, L’étrange Noël de Mr Jack, Les Noces funèbres… (A lire : un excellent article de Première sur les yeux burtoniens). Les œuvres de Margaret sont omniprésentes dans le film et transpercent le spectateur par leur regard. On aime ou pas, mais on ne peut que s’attacher au personnage de Margaret et à ses centaines d’enfants tristes, qui contrastent totalement avec la folie mercantile dont elles sont le sujet.
Mention spéciale à Lana Del Rey qui, après Once upon a dream dans Maléfique, revient ici avec une musique onirique et très aérienne. En un mot : magnifique, donnant une certaine ampleur au film. J’adore.
Somme toute, ce n’est clairement pas le meilleur Tim Burton, mais un très joli film, dans une veine plus simple, plus sage que ce à quoi nous avait habitué le réalisateur. Avec son histoire, ses couleurs chatoyantes et sa musique, Big Eyes est un biopic agréable à regarder et annonce peut-être un nouveau style de Burton, trop souvent enfermé dans le gothique déjanté… Qui sait ?