Cézanne et moi, de Danièle Thompson (2016)

Dès la sortie du film de Daniele Thompson Cézanne et moi, les réseaux sociaux n’ont cessé de s’affronter, qualifiant tour à tour le film de chef-d’oeuvre ou de navet. L’acharnement rappelle presque celui qu’a connu Monuments Men en 2014. Je suis donc allée voir le film, en tentant d’oublier tout ce que j’avais pu lire, afin d’être le plus objective possible.

Cézanne et moi est donc un film sorti le 21 septembre 2016, qui retrace l’histoire d’amitié tumultueuse entre Paul Cézanne (Guillaume Gallienne) et Emile Zola (Guillaume Canet). A grand renfort d’allers-retours entre Aix-en-Provence, Paris ou Médan, le film brise également la chronologie, usant un peu trop des flashbacks et des ellipses à mon gout. Toutefois, le principal nécessaire à la compréhension est montré : Cézanne et Zola se rencontrent enfants à Aix-en-Provence et ils ne vont jamais se quitter, malgré les aléas de la vie d’adulte, de la vie d’artiste. Cézanne, le petit bourgeois aixois, ne deviendra qu’un misérable peintre raté à Paris. Zola, au contraire, l’italien à moitié orphelin, connaitra contre toute attente le succès, la gloire, la richesse. Destins croisés, en somme.

Ce qu’on reproche au film, finalement, ce n’est pas son esthétique impeccable, ni la reconstitution historique qui me parait tout à fait juste. On ne lui reproche pas non plus la tonne de références, jetées au spectateur certainement pour appuyer la véracité historique du scénario. Pourquoi pas, après tout. Mais le film ne rentre jamais en profondeur. Tout le monde n’a pas plusieurs années d’histoire ou histoire de l’art derrière lui. Tout le monde ne saisira donc pas les subtilités de certaines scènes, qui ne sont jamais remises en contexte. On assiste simplement à une succession d’images, qui exposent des problématiques sans jamais les creuser. Dommage.

En outre, le film tombe dans un exposé très binaire des choses. Il y a le riche et le pauvre, le vainqueur et le vaincu, le calme et le colérique, le timide et l’homme à femmes, etc… La réalité n’est jamais si manichéenne, il me semble. Cela s’en ressent d’autant plus dans le jeu des acteurs principaux : Guillaume Canet campe un Zola imperturbable, qui ouvre à peine la bouche tandis que Guillaume Gallienne en fait beaucoup trop. Pourquoi cet accent « provençal » si marqué ? Si c’est pour donner de la saveur locale au film, c’est raté, et les sublimes paysages d’Aix, du Jas de Bouffan et de l’Estaque étaient suffisants. Son Cézanne est cabotin, vulgaire, et ressemble finalement plus à Gustave Courbet.

A certains moments du film, on ne sait d’ailleurs plus vraiment si on regarde Paul Cézanne ou Claude Lantier, le personnage principal de L’Oeuvre, roman de Zola censé être à l’origine de la dispute entre eux, et qui a une grande importance dans le film. Si cette mise en avant aura le mérite certain de booster les ventes du roman (que j’aime beaucoup et dont j’ai déjà parlé ici), il n’était pas nécessaire de mettre le roman au coeur de la rupture entre les deux amis, alors même que cette hypothèse est aujourd’hui remise en cause. Une scène de dispute entre Cézanne et sa femme est carrément calquée sur une scène du livre, histoire de renforcer un peu plus le parallèle…

Enfin, la peinture est assez peu présente dans le film, qui préfère se concentrer sur des dialogues sourds. Nous voyons surtout des toiles déchirées dans les élans de colère du peintre, de même que Zola n’est présenté que comme un écrivain, au détriment de son activité de critique d’art qui joue pourtant un grand rôle dans le déclin de son amitié avec Cézanne. En revanche, on retient bien que Cézanne aimait peindre des pommes (sorte de running-gag qui revient plusieurs fois dans le film) et que sa libido était apparemment en pleine forme.

Cézanne et moi, Copyright Luc Roux

Ainsi, Cézanne et moi n’est pas le grand film attendu, il n’est pas le chef d’oeuvre annoncé. C’est un film bancal, au scénario un peu vide, et dont le jeu d’acteur manque de lyrisme. Pour autant, c’est le même constat qui s’applique à la plupart des biopics, exercice difficile s’il en est. Le film est donc à regarder comme une image d’Epinal, sans trop d’attente, et avec le recul nécessaire. Ce n’est pas un film sur l’art, ni sur la création, mais simplement sur une amitié. 

Titulaire d’un master en histoire de l’art contemporain à l'Université d'Aix-Marseille, je me spécialise dans la période XIXe - XXe siècle et dans les arts en Méditerranée.

0 Comments

Laisser un commentaire

Article précédent

Fantin-Latour, « À fleur de peau »

Article suivant

Augustin Lesage, le peintre spirite

Les derniers articles de la catégorie L'art au ciné