Le Musée Regards de Provence accueille jusqu’au 16 février 2020 une exposition monographique consacrée à Lucien Jacques, artiste que je découvre à travers les oeuvres exposées.
En premier, un portrait de Lucien Jacques, peint par le peintre marseillais Pierre Ambrogiani en 1958. Ce portrait, haut en couleur, montre un homme élégant, déjà d’un certain âge. Si on le connait pour être « le découvreur de Giono », Lucien Jacques est lui aussi un artiste foisonnant, qui sera abordé ici de manière autonome. Des grandes vitrines exposent sont activité de poète et d’éditeur, mais c’est par les gravures qui y font face que mon oeil est attiré. Ces illustrations pour Giono montrent une maitrise de la gravure et un goût pour la nature que l’on retrouvera dans d’autres oeuvres.
Plus loin, une série de dessins témoignent de sa fascination pour la danseuse américaine Isadora Duncan, artiste célèbre pour avoir révolutionné la pratique de la danse par son inspiration des figures antiques grecques et une grande liberté d’expression. Ces dessins, esquisses légères qui évoquent la grâce des mouvements de la danseuse et ses chorégraphies très spontanées, contrastent avec les autres productions de Lucien Jacques par leur modernité.
Enfin, il y a les aquarelles. L’artiste découvre l’aquarelle pendant la Grande Guerre et n’aura de cesse de se perfectionner dans cette technique. On constate une prédilection pour les paysages, qu’il peint en plein air, sur le vif. Cette partie de son oeuvre est liée à Giono, puisqu’il peint surtout une Provence grise, celle des écrits de Giono.
Lucien Jacques, peut-être le dernier aquarelliste mais sans aucun doute le meilleur, sinon le premier » disait Jacques Prévert.
Pour approfondir les liens avec Giono, il suffit de traverser l’esplanade du J4 et de se rendre au Mucem qui présente une grande rétrospective consacrée à Jean Giono. Il n’est jamais facile d’exposer une oeuvre littéraire, ainsi l’exposition multiplie les objets annexes censés capter l’essence de son oeuvre : manuscrits, photographies, correspondances, oeuvres d’art, films… Du traumatisme de la Première Guerre à un certain apaisement à la fin de sa vie, l’exposition suit de manière chrono-thématique la vie et l’oeuvre de l’écrivain.
J’ai été assez impressionnée par la salle consacrée à Bernard Buffet, qui est pourtant loin d’être mon artiste préféré. Dans ces toiles gigantesques, le peintre illustre l’Enfer de Dante. J’apprends au passage que le peintre rencontre l’écrivain au début des années 50, grâce à Pierre Bergé. Pour Giono et les autres combattants de la Première Guerre Mondiale, le début de la guerre en 1939 est vécu comme un véritable retour en enfer. Les toiles de Buffet, extrêmement angoissantes, symbolisent bien le cauchemar de Giono, qui comme Orphée, descend aux Enfers.
Sans le secours du poète, on ne peut pas connaître le chemin qui délivre des enlacements de l’enfer. » Triomphe de la vie, 1941
J’ai aimé, plus loin dans l’exposition, rentrer dans l’intimité de Giono à travers sa bibliothèque, mise en scène par l’installation contemporaine de Clémentine Mélois. On y trouve entre autres, Don Quichotte, La Chartreuse de Parme, Moby Dick, ainsi que Virgile, Dante et Homère. De la même manière, la salle suivante nous permet de plonger dans le rituel de l’écriture de Giono grâce à ses nombreux carnets de travail, intégralement exposés. Aux murs, on peut voir les oeuvres, offertes par ses amis peintres, qui l’entouraient lors de ses séances d’écriture.
L’exposition s’achève sur une note légère, grâce au très beau film d’animation L’homme qui plantait des arbres, inspiré de la nouvelle de Giono (que j’avais adorée quand j’étais petite). Avant la sortie, on passe par une librairie aménagée pour l’occasion, proposant tous les ouvrages de Giono évoqués dans l’exposition. Difficile de résister.
Mêlant art et littérature, ces deux expositions permettent de (re)découvrir l’oeuvre de Giono et de son ami Lucien Jacques. Par la variété des documents exposés, elles conviendront à différents publics ; ceux qui ne regardent que les oeuvres (comme moi) mais également ceux qui préfèrent s’attarder devant chaque vitrine pour déchiffrer les manuscrits, ou enfin, s’asseoir pour ne pas perdre une seule minute des films projetés.