Katerina Jebb, « Deus ex machina »

L’oeuvre de Katerina Jebb est singulière, reconnaissable au premier coup d’oeil dès lors que l’on connait son esthétique.

Comme des Garçons, 2012 © Katerina Jebb

Katerina Jebb utilise systématiquement le scanner numérique, proposant ainsi des oeuvres hyperréalistes, où la perspective ne semble ne jamais avoir existé. Portraits, natures mortes, paysages ou simples archives, tout est scanné sans exception. La peau, les textiles, le papier, chaque matière est retranscrite à travers la froideur de cet outil industriel. C’est ce qui fait la particularité, mais surtout la beauté, des oeuvres de Jebb.

« For me being with a photocopier was like being in the darkroom and seeing the image appear. You never get over the child-like amazement of seeing faces appearing magically in the dark. »

Dans Deus ex machina, au Musée Réattu d’Arles, l’artiste investi l’espace monumental de l’ancien Grand Prieuré de l’Ordre de Malte, hanté par Antoine Raspal, Picasso ou Christian Lacroix. Le titre de l’exposition est éloquent, insistant sur l’importance de la machine chez Katerina Jebb. Il donne le ton pour la suite. Première exposition monographique de l’artiste, elle y expose une soixantaine d’oeuvres, où le rapport au corps est omniprésent, exacerbé.

Plusieurs salles, plusieurs ambiances. Mais toujours la même froideur. De sa collaboration avec la marque japonaise Comme des garçons, à celle avec Christian Lacroix, on découvre un univers étrange, nourri de références abondantes, où Napoléon croise Balthus et Marie-Antoinette, où un caneton bicéphale fait face à des poupées sexuelles et un flacon de Chanel n°5 rempli de viande rouge… Parfois, on croirait voir l’esprit Dada.

Dans la pénombre de la petite salle des portraits, on rencontre les apparitions fantomatiques de visages parfois connus, comme ceux de Tilda SwintonIsabelle Huppert, Kate Moss, Kylie Minogue ou Kristin Scott-Thomas, côtoyant des anonymes. Mais le vrai fantôme se cache plus bas. Parmi les icônes des robes de Christian Lacroix, dans la chapelle où Tilda Swinton – encore elle – se perd dans les réserves du Palais Galliera dans une vidéo à l’esthétique blanche, chirurgicale. Là, dans un recoin sombre, l’épouse de Balthus, Setsuko Ideta, apparait sur le sol, glissant en transparence sur la pierre comme une Ophélia contemporaine.

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Deus ex machina, c’est le « dieu sorti de la machine ». Ici, c’est Katerina Jebb qui se fait un peu démiurge, parvenant à rendre physique tout ce qu’elle fait passer sous la lumière de son scanner. Et c’est beau. 

Exposition du 2 juillet 2016 au 1er janvier 2017
Musée Réattu, Arles  http://www.museereattu.arles.fr

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Titulaire d’un master en histoire de l’art contemporain à l'Université d'Aix-Marseille, je me spécialise dans la période XIXe - XXe siècle et dans les arts en Méditerranée.

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