Mademoiselle Lange, ou « L’ange » comme elle aime s’appeler, est une actrice française de la fin du XVIIIe siècle, aussi connue pour être une des plus belles femmes de son temps. La coquine fait tourner beaucoup de têtes parmi la population masculine, n’en déplaise à un certain notaire fou amoureux, qui finis même décapité sur la place de Grève… L’amour ne rend pas qu’aveugle, à cette époque.
Sa carrière théâtrale est en bonne voie, mademoiselle est à la mode… Cela ne lui empêche pas de finir en prison, pour avoir joué dans une pièce « royaliste ». Mais son séjour carcéral ne semble pas si terrible que ça, puisque selon les dires de sa camarade de cellule, le gardien de prison n’hésitait pas à fricoter avec elles dans la joie et la bonne humeur générale… (Par contre, je ne connais pas le sort des hommes dans cette prison, désolée.)
Bref, je vous passe toutes ses folles aventures, elles sont nombreuses et on dirait Les Feux de l’Amour. Mademoiselle Lange se marie enfin, alors que c’était un peu mal barré pour elle (En plus il parait qu’elle avait vachement grossi). Elle devient Madame Simons en 1797, Talleyrand lui-même était témoin au mariage. Et c’est là que Girodet entre en jeu.
Girodet, c’était un des nombreux élèves de Jacques-Louis David (tu sais, le mec super balèze qui a peint, entre autres, Bonaparte franchissant le col du Grand Saint-Bernard..?), élève à la carrière prometteuse dont le style se distingue toutefois de ses camarades, à mi chemin entre le néo-classicisme enseigné par David et le romantisme à venir. Ses peintures sont imprégnées d’une certaine poésie, et cela fait son charme.
Mr Simons commande à Girodet un portrait de sa femme. Jusque là tout va bien. Le peintre s’exécute et présente sa toile au Salon. Mais peu de temps après, il reçoit ce mot: « Veuillez, Monsieur, me rendre le service de retirer de l’exposition le portrait qui, dit-on, ne peut rien pour votre gloire et qui compromettrait ma réputation de beauté. Mon mari et moi vous supplions de vouloir bien faire en sorte qu’il ne demeure pas vingt-quatre heures de plus. » Vexé, Girodet fit de sa toile des lambeaux, qu’il envoya au couple. Deux jours plus tard, il livre au Salon une nouvelle toile, fraîchement peinte…
Le tableau se nomme Mademoiselle Lange en Danaé. SCANDALE !!!
Comme pour La Vénus d’Urbin, l’allusion mythologique n’est ici qu’un prétexte. Dans la mythologie grecque, Danaé, fille d’Acrisios, est emprisonnée par son père dans une tour, car un oracle lui avait prédit qu’il sera tué par son petit-fils. Mais Zeus, qui décidément, n’en loupe pas une, parvient à s’introduire dans la tour sous la forme d’une pluie d’or, qui en tombant sur Danaé la fait tomber enceinte, c’est magique. Leur fils sera Persée.
Visiblement très énervé, c’est clairement une prostituée que Girodet représente ici: nue, elle tient un voile bleu dont elle se sert pour recueillir une pluie de pièces d’or. Dans sa main elle tient aussi un miroir, celui de la Vérité, et on remarque qu’elle évite son reflet. De toute façon, son regard est entièrement accaparé par les pièces. Vénale, Mlle Lange? C’est ce que semble dire le peintre, parce que le dindon sur la gauche, c’est son mari, Jean-Marie Simons. Si on regarde bien, on voit une alliance à la patte de l’animal. Il lui oppose, dans le coin inférieur droit, un visage déformé par la cupidité, avec une pièce dans l’œil: c’est l’amant de Mlle Lange…. Je ne sais pas vous, mais moi j’adore l’humour de Girodet.
Ce n’est pas un scandale qu’a provoqué cette oeuvre, c’était un véritable ouragan, qui a secoué tout Paris. La vengeance de Girodet était assez inattendue, mais nous éclaire un peu plus sur son caractère…explosif! Bref. Je vais me la jouer comme la Fontaine et clore cet article par une belle morale:
Quand Anne-Louis Girodet te fait le portrait…
tu souris et tu dis MERCI!
C’est tout.
Ah ah, en effet, il a de la répartie le Girodet !!
Y a aussi un oiseau blanc crevé sur la peinture… une idée de l’interprétation ? Genre « déclaration de guerre ouverte » ?
Oui je pense, mais je n’ai rien trouvé dessus dans les livres alors j’ai préféré ne rien dire, au cas où je dirais une connerie… x)
Ouh la vache ! Ca, c’est de la vengeance…
J’ai bien ri devant ton article (et surtout sa morale hahaha), encore, encore, encore ! (d’accord, je sors)
Salut, si t’aimes Girodet, tu devrais aimer ceci : http://www.the-athenaeum.org/art/list.php?s=yu&m=a&aid=4525